Le mémorialiste

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Article d'Andrée Tudesque, docteure en langue et littérature françaises, diplômée en sciences de l'éducation


Marcel Pagnol a réuni des qualités de créateur en livrant aux lecteurs ses sentiments et ses expériences sous forme de narration authentique de ses Souvenirs d’Enfance.

L’auteur de 62 ans se lance dans l’écriture d’un roman autobiographique dédié à la mémoire des siens. L’homme qu’il est devenu semble vouloir prendre du recul par rapport à son récit par prudence ou par crainte de trop se livrer. Il parle avec nostalgie de l’époque révolue de son enfance, de la disparition de ses parents avant la guerre. C’est une déclaration de piété filiale, d’amour et d’admiration que l’auteur adresse tout d’abord dans un premier tome à son père disparu.

Le deuxième tome des Souvenirs d’Enfance est entièrement dédié à sa mère décédée trop tôt, alors que Marcel Pagnol n’avait que 15 ans. Ici, le petit Marcel raconte « la ville » à Lilli des Bellons en échange des secrets de la nature que lui enseigne le jeune paysan, son « petit frère des collines ». Si Marcel est fasciné par les connaissances de chasse de Lili, ce dernier le considère comme un savant pour ses connaissances linguistiques. L’admiration des deux amis est réciproque.

L’émotion dont est empreint le texte est manifeste. La fuite inexorable du temps est soulignée par l’évocation de sa jeunesse passée et celle, chargée de nostalgie, de l’Âge de raison. Il s’agit du rendez-vous de l’Académicien avec son enfance, du témoignage du mémorialiste et de l’évocation de détails, de faits, de choses vues ou entendues. Le ton de l’écriture est tout entier empreint de tendresse.

Les Mémoires d’Enfance sentent bon la Provence bienveillante et protectrice tout au long d’un récit qui ressemble à s’y méprendre aux poèmes bucoliques que Marcel Pagnol a traduits et publiés en 1958.

Le parcours de l’auteur l’a conduit au succès international avec une écriture claire : celle de la simplicité, celle de la tendresse, celle de l’appartenance à une région provençale qui lui a transmis l’art d’écrire et de conter à tous les temps.

Grâce à une culture de « l’authentique » évoquée différemment par l’auteur et par Lili, Marcel Pagnol a permis à ses personnages de rester gravés dans la mémoire collective. Il n’a jamais voulu être considéré comme héritier de la culture provençale de Marseille, mais il y est parvenu grâce à une persévérance qui lui aura permis de pouvoir achever sa symphonie par une finale qui n’en finit pas de résonner aujourd’hui encore.

 

Crédits images : 

Paul Cézanne, Vue du Domaine Saint-Joseph, années 1880 © The Met Museum

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