Qui est Fauré ?

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Par Yves Bruley, correspondant de l’Institut, Académie des sciences morales et politiques


« Fauré ? Qui est-ce ? » Le secrétaire d’État à l’Instruction publique est pris de court, lorsque les disciples du compositeur viennent solliciter des funérailles nationales pour leur maître, mort à Paris le 4 novembre 1924. Renseignements pris, le gouvernement accorde à Gabriel Fauré un hommage solennel que seul Gounod, parmi les musiciens, avait obtenu avant lui, en 1893. Les obsèques sont célébrées le 8 novembre à l’église de la Madeleine, dont il avait longtemps tenu le grand orgue.

Qui est Fauré ? La question demeure un siècle plus tard. D’une œuvre diverse et novatrice, attachante par son mélange de charme et d’audace, on ne retient trop souvent que le Requiem et le Cantique de Jean Racine. Notoriété beaucoup trop restrictive, mais non absurde, car c’est à l’église que commence la vie musicale de Fauré.

L’harmonium de Montgauzy et l’orgue de la Madeleine

Rien ne prédestine Gabriel Fauré, né à Pamiers le 12 mai 1845, fils d’un instituteur devenu inspecteur de l’enseignement primaire, à faire une carrière de musicien dans les lieux et milieux les plus prestigieux de la capitale. Mais un jour de 1854, un haut fonctionnaire de passage entend le jeune garçon jouer à l’harmonium de la chapelle de Montgauzy, près de Foix. Frappé d’un talent si précoce, il lui obtient une bourse qui lui permettra d’étudier la musique à Paris, à la célèbre école de Niedermeyer. Et voici le fils d’instituteur ariégeois pensionnaire dans le Paris impérial. Pendant onze ans, il acquiert la science musicale indispensable à toute pratique de la musique, en premier lieu celle de l’église, où la médiocrité et l’ignorance ne peuvent avoir de place. À la fin de ses études, en 1864, il compose une courte pièce sur une hymne du bréviaire jadis traduite par Jean Racine : « Verbe égal au Très-Haut, notre unique espérance… » Le premier prix de composition lui est accordé, prélude à une gloire éternelle dans tous les chœurs du monde.

Commence une carrière d’organiste qui le conduit à la Madeleine, où les cérémonies sont nombreuses et de très haut niveau musical, comme maître de chapelle (1877) puis organiste titulaire (1896). À la différence de ses grands contemporains organistes – Franck, Gigout, Widor, Guilmant ou Vierne – Fauré ne compose point pour l’orgue. Quelques pièces liturgiques qu’il a écrites sont alors beaucoup utilisées dans les maîtrises parisiennes. Mais l’essentiel de son œuvre appartient à la musique de chambre et à la mélodie.

Dans les salons Parisiens

Grâce à ses amis, au premier rang desquels Camille Saint-Saëns, le jeune Fauré trouve sa place dans les salons parisiens où se fait la meilleure musique, surtout chez Pauline Viardot, dont la fille sera un temps sa fiancée. À cette époque appartient notamment la célèbre mélodie Après un rêve.

Fauré compose les deux sonates pour piano et violon, des trios, des quatuors, ou des pièces pour piano seul. À cette œuvre inoubliable en musique de chambre, il faut ajouter les nombreuses mélodies, dont un recueil sur des poèmes de Verlaine, sans oublier un opéra, Pénélope, et deux musiques de scène. Fauré ne connaît cependant qu’une gloire tardive. Professeur de composition puis directeur du Conservatoire, élu à l’Institut en 1909, il est bientôt frappé de troubles auditifs qui s’aggravent en une quasi surdité.  

Un Requiem sans grandiloquence

Réputé indifférent sur le plan de la foi, Gabriel Fauré compose en janvier 1888, après la mort de son père, un Requiem qui surprend mais qui est bientôt demandé pour les services funèbres de la Madeleine. L’œuvre devient tellement célèbre qu’il doit écrire une version pour grand orchestre, créée en 1900 pour l’Exposition universelle de Paris. C’était au détriment de l’intimité de la première version d’un Requiem que Fauré voulait « doux comme moi-même », c’est-à-dire sans grandiloquence, proche du plain-chant. Fauré était imprégné de liturgie et de musique sacrée. Sa musique de chambre et son œuvre religieuse possèdent une même intériorité, tandis que son harmonisation est à la fois très personnelle et marquée par la musique d’église. Reynaldo Hahn appelait Fauré « le grégorianisant voluptueux ».

Lors des obsèques nationales, avant que la musique de l’artillerie rende hommage à l’académicien grand-croix de la Légion d’Honneur, on entendit, sous les voûtes de la Madeleine, le fameux Requiem, dont Fauré avait dit : « Tout ce que j’ai pu posséder d’illusion religieuse, je l’ai mis dans mon Requiem, lequel d’ailleurs est dominé d’un bout à l’autre par ce sentiment bien humain : la confiance dans le repos éternel. »

À lire :

Éric Lebrun, Gabriel Fauré, Paris, Bleu nuit éditeur, 2023.

Jacques Bonnaure, Gabriel Fauré, Arles, Actes Sud, 2017.

Jean-Michel Nectoux, Gabriel Fauré : catalogue des œuvres, Kassel, Barenreiter, 2018.

Jean-Michel Nectoux, Gabriel Fauré, les voix du clair-obscur, Paris, Fayard, 2008.

Crédits images : 

Bannière de la page d’accueil : Mihály Munkácsy, Le salon de musique, 1878 © The Met Collection/Metropolitan Museum of New York

Illustration du Chapô : Portrait de Gabriel Fauré, par Nadar, 1905 © WikiCommons

Bannière de l’article : Portrait de Gabriel Fauré, par John Singer Sargent, 1889 © The Met Collection/Metropolitan Museum of New York

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