ÉPISODE 1 : Aliénor et Louis VII

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Article de Dominique Barthélemy, historien, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres


À seulement treize ans, au décès de son père Guillaume X en 1137, Aliénor hérite de l’immense duché d’Aquitaine et du comté de Poitou. C’est la première femme à gouverner le plus vaste et plus riche domaine de France, constituant ainsi un excellent parti. Selon les dernières volontés de son père, elle est placée sous la protection du roi de France Louis VI. Ce dernier dirige un royaume relativement pacifié et bien administré, mais a encore peu d’influence sur l’Aquitaine et le Poitou.

Pour le roi de France, l’acquisition du duché d’Aquitaine tombait bien. Guillaume X avait confié ses deux filles mineures à Louis VI, qui s’était empressé de faire épouser Aliénor à son fils et successeur : le mariage fut célébré à Bordeaux le 1er août 1137. Le même jour, Louis VI mourait, et les jeunes époux furent dès lors à la fois roi et reine de France, duc et duchesse d’Aquitaine. Le duché n’était pas réuni au domaine royal, il était administré à part avec le soutien des évêques et d’une partie des comtes vassaux et barons. Mais grâce à sa possession Louis VII pouvait faire pièce à Geoffroi Plantagenêt et Mathilde, qui cumulaient l’Anjou et la Normandie, peinant toutefois à s’assurer de l’Angleterre. Son père lui avait légué une situation tout à fait saine, que devait compromettre le « divorce » de 1152.

L’histoire de ce couple nous est évidemment difficile à bien apprécier. Louis VII semble avoir été très amoureux d’Aliénor, qui lui donna deux filles, l’aînée Marie devenant par mariage comtesse de Champagne et protectrice de poètes. Aliénor cependant paraît s’être plainte d’avoir « épousé un moine », et elle le rendait jaloux par certaines de ses attitudes, prêtant à des insinuations. La tension fut à son comble durant la deuxième croisade, entreprise par Louis VII de 1147 à 1149 et dans laquelle elle l’accompagnait. La relation affectueuse entre Aliénor et son oncle le prince d’Antioche déplut beaucoup au roi. Louis VII voulut alors obtenir le « divorce ».

Il faut mettre « divorce » entre guillemets, car le mariage chrétien est indissoluble : les contemporains entendent sous ce nom une annulation. Mais comme il existe aussi une règle d’exogamie très stricte, qui prohibe toute union entre parents jusqu’au septième degré en la qualifiant d’incestueuse, il n’est pas rare que des maris ou des femmes qui souhaitent se séparer de leur conjointe ou conjoint s’avisent après plusieurs années de mariage, assez opportunément, qu’ils sont cousin et cousine et demandent l’annulation. L’Église peut l’accorder, non sans avoir débattu et parfois conseillé le maintien de l’union. C’est ce que font le pape Eugène III, sensible aux intérêts capétiens, et surtout l’abbé Suger de Saint-Denis, ancien ami et conseiller de Louis VI qui a eu pour l’essentiel la garde du royaume durant la deuxième croisade. Mais à la mort de Suger (1151) rien n’arrête plus Louis VII et Aliénor, dont le mariage est annulé par des évêques français au concile de Beaugency (1152).

Crédits images :

Sébastien Mamerot, « Passages faiz oultre mer par les François contre les Turcqs et autres Sarrazins et Mores oultre marins », traité commencé à être rédigé à Troyes, « le jeudi XIIII e jour de janvier » 1473 © Gallica/BnF

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