De la machine thermique aux défis du futur

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Article de Gilles Bertrand, professeur émérite à l’université de Bourgogne, président du conseil scientifique de l’Académie François Bourdon


Une machine thermique (une machine à vapeur, un moteur) est un système qui peut effectuer un nombre indéfini de cycles, prenant, au cours d’un cycle, une quantité de chaleur Q1 à une source chaude (à la température T1) et restituant une quantité de chaleur Q2 à une source froide  (à la température T2), et fournissant un travail W au milieu extérieur.

La machine à vapeur, au début du XIXe siècle, joue un rôle clé dans le développement de l’industrie et fait l’objet de nombreuses recherches visant à en accroître les performances.  L’ouvrage de Carnot paraît à une époque où, avec les machines à vapeur, notamment celle de Watt, se manifeste avec ingéniosité et pragmatisme l’essor anglais qui fascine Sadi (l’Angleterre est citée quatre fois dans les deux premières pages de l’ouvrage). Carnot souhaite alimenter la réflexion des ingénieurs. Adoptant une démarche de physicien, il s’efforce de déterminer les fondements scientifiques de la machine à vapeur. Pour cela, il prend en considération la pression et la température de la vapeur. Même s’il pense encore que la chaleur est de nature matérielle et se conserve (hypothèse du calorique défendue par Lavoisier et Laplace), il relève le fait qu’il est impossible de réaliser une machine thermique fonctionnant avec une seule source de chaleur (c’est le second principe de la thermodynamique aussi appelé principe de Carnot). Une machine thermique doit disposer, pour fonctionner, de deux sources, l’une chaude, l’autre froide. Elle produit du travail grâce à la chaleur communiquée au fluide par la source chaude et partiellement restituée à la source froide.

Le cycle de Carnot est le cycle réversible (qui peut être parcouru dans les deux sens) au cours duquel un système en évolution échangeant de la chaleur avec deux sources à des températures différentes subit deux transformations isothermes et deux transformations adiabatiques ; la machine de Carnot est la machine thermique idéale dans laquelle une masse de fluide effectue des cycles de Carnot successifs. Une telle machine peut servir de modèle pour un moteur thermique ou réversiblement une machine frigorifique. Le théorème de Carnot stipule que le rendement maximal d’une telle machine ne dépend pas du fluide utilisé, mais seulement de la différence des températures des deux sources.

Au passage, Sadi Carnot rationalise et fonde en théorie les pratiques des ingénieurs, et prend la mesure des effets de l’ensemble sur les changements déjà en cours à son époque, sur leurs développements à venir et sur la transformation du monde qui en résultera. A posteriori on ne peut qu’admirer ! Deux siècles plus tard, la partie s’est jouée comme il l’a anticipée. Mais, en 2020, on sait qu’elle ne peut pas continuer ainsi. La brutalité des effets du réchauffement climatique dû au dioxyde de carbone (CO2) relâché dans l’atmosphère est là, comme un sous-produit inévitable de cet immense feu planétaire. Le programme de Sadi Carnot établi il y a 200 ans n’est plus un avenir possible pour l’humanité.

Aujourd’hui on pourrait l’imaginer cherchant avec nous une autre voie. Il souligne d’une part l’importance des mouvements naturels dus à la chaleur, induits par le rayonnement solaire qui frappe la Terre et d’autre part que nous n’accédons qu’à une faible partie de ces énergies, dites aujourd’hui renouvelables. Ça, ça reste vrai. Il conclut ainsi son petit ouvrage de 1824 « Savoir apprécier, dans chaque cas, à leur juste valeur, les considérations de convenance et d’économie qui peuvent se présenter; savoir discerner les plus importantes de celles qui sont seulement accessoires, les balancer toutes convenablement entre elles, afin de parvenir, par les moyens les plus faciles, au meilleur résultat, tel doit être le principal talent de l’homme appelé à diriger, à coordonner entre eux les travaux de ses semblables, à les faire concourir vers un but utile de quelque genre qu’il soit. »

Tout un programme pour aujourd’hui !

Crédits images :

Charles Thurston Thompson, French Machinery, 1855 © The Met Museum

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